Sciences Po Paris s’ouvre au journalisme économique

Sciences Po Paris s’ouvre au journalisme économique

Pour la rentrée 2013-2014, l’IEP de Paris lance une nouvelle formation au journalisme économique. Dans le contexte de concurrence avivée avec la création de Sciences-Po Europe, l’IEP de Paris réagit en introduisant une concurrence de fait sur ce segment spécifique de journalisme spécialisé.

L’école de journalisme de Sciences Po Paris et le département d’économie s’associent pour lancer à la rentrée 2014 une nouvelle formation au journalisme économique. « Cette […] mention répond au besoin qu’ont les rédactions de recruter des journalistes spécialisés capables de traiter les problématiques économiques et financières tant du point de vue micro que macro-économique », annonce le communiqué de presse de l’IEP.

Depuis son lancement en 2004 et le rapport publié par le comité mis en place par Michèle Cotta, l’école de journalisme de la rue Saint Guillaume n’a jamais caché son intention de former des journalistes « responsables », bien au fait des problématiques économiques. Ce souci de se spécialiser et de se diversifier est bien compréhensible. Il reprend d’ailleurs des modèles de développement déjà mis en place par le CFJ et l’ESJ de Lille dans les années 1970 puis 1990 (filières de journalisme agricole, scientifique…).

Il est clair que le journalisme économique reste assez peu enseigné comme discipline dans les écoles de journalisme à l’exception notable de l’alliance dans le cadre de l’IPJ-Dauphine. Les deux institutions forment ensemble depuis 2009 des journalistes et également des communicants dans le monde de l’information économique et sociale et du coup. C’est sur ce terrain que vient se placer Sciences Po Paris, terrain stratégique car cette presse bénéficie d’une certaine rentabilité financière, de soutiens forts sur le plan des annonceurs publicitaires (même si la crise des subprimes est venue amoindrir le dynamisme). Elle apparaît donc comme un important pourvoyeur potentiel de taxe d’apprentissage, ressource clé pour les écoles de journalisme.

Douze à quinze étudiants suivront chaque année des enseignements en anglais et en français. Sur le plan du recrutement l’IEP exige de ces nouveaux étudiants des « connaissances en mathématiques ou en méthodes quantitatives » justifiés par une licence d’économie ou un diplôme d’ingénieur, précise le communiqué. Des cours fondamentaux seront dispensés par des universitaires dans les domaines du management et en économie générale. Les apprentis journalistes bénéficieront également de sessions dans le cadre d’atelier pratique afin de perfectionner leur style en information économique.

C’est de cette association étroite entre théorie et pratique que Sciences-Po Paris espère faire sortir un journaliste économique nouveau, une nouvelle forme d’excellence de la profession. Gageons que ce type d’innovation n’est pas près de faire tarir les critiques reprochant à sciences-Po Paris son orientation générale de « business school »[1].

Sciences-Po Paris bute sur Sciences Po Europe

Pour faire face à Sciences Po Paris, les IEP de province font cause commune avec l’Université Paris Dauphine. Depuis 2008, 6 IEP de région partageaient déjà leur concours. Ils ont décidé à présent de s’intégrer davantage sur le plan de la collecte de fond dans le cadre d’une structure juridique commune [2].

On se souvient des mobilisations des 6 IEP en avril dernier contre le projet du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche d’amputer des IEP la dotation de 5% en 2013. L’ensemble des directeurs avaient dénoncé le fait que la Fondation Nationale des Sciences Politiques fonctionne de facto au seul service de l’Institut d’Études Politiques de Paris à l’inverse de ce que prévoyait ses missions à la Libération. Etudiants et enseignants s’étaient alors mobilisés contre ce projet.

Avec Dauphine, les 6 IEP envisagent à présent une alliance sur le plan de la recherche et des concours administratifs intitulée Sciences-Po Europe. Cette évolution accompagne logiquement un renforcement de la place des sciences sociales dans l’enseignement de l’économie à Paris Dauphine, sous l’effet de la présidence de Laurent Batsch. Évolution qui place cette grande école en situation de concurrence frontale avec l’IEP de Paris avec comme enjeu le fait de devenir « le grand établissement de référence » en matière de formation des élites.


[1] Alain Garrigou, « Comment Sciences-Po et l’ENA deviennent des ‘business schools’ », Le Monde diplomatique, novembre 2000. http://www.monde-diplomatique.fr/2000/11/GARRIGOU/14429

[2] Benoît Floc’h, « Le duel Sciences Po Europe-Sciences Po Paris », Le Monde, 3 juillet 2013. http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/07/03/le-duel-sciences-po-europe-sciences-po-paris_3440962_3234.html

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