Journaliste sportif : faut-il faire une école ?

Journaliste sportif : faut-il faire une école ?

«  Quand j’étais petite, je voulais devenir journaliste sportif. Mon idole c’était Marianne Mako[1] », nous confie une ancienne étudiante de l’ESJ de Lille. Pour de nombreux jeunes qui rêvent de devenir journaliste, le métier de journaliste sportif constitue un modèle. Or, il n’existe pas à proprement parler d’école de journalisme sportif.

Alors comment devenir journaliste sportif ? La meilleure des voies d’accès pour le journalisme sportif reste de débuter si possible par des piges dans un journal régional ou une radio au service des sports et ensuite de passer par une école de journalisme reconnue. Les titres de presse quotidienne régionale recherchent par exemple assez activement des jeunes fans de sport pour les aider lors des week-ends de matchs à collecter les informations. Ce travail de correspondant local constitue une bonne voie d’entrée pour devenir journaliste sportif. 

Historiquement, l’IUT de journalisme de Bordeaux a longtemps formé en son sein des jeunes journalistes sportifs dès le début des années 1970. On peut penser par exemple à des journalistes comme Lionel Chamoulaud de Stade 2 passé par cette école. Cela tient à une ouverture sociale plus grande aux jeunes issus des classes populaires désireux de s’impliquer dans ce journalisme spécifique. Il faut noter que si ce journalisme attire beaucoup, il jouit dans la profession d’un prestige a priori un peu moindre que d’autres spécialités comme par exemple la politique ou l’économie. Certains sociologues en parlent comme d’une « spécialité dominée »[2]. Le journaliste sportif se voit suspecté d’être un peu plus fêtard que les autres et il lui est reproché souvent son manque « d’objectivité » dans le travail. Il existe de fait une forme d’engagement émotif ou d’enthousiasme un peu plus grande qui est tolérée dans cette fraction du journalisme[3].

Redorer le blason

Certaines écoles ont ensuite essayé de développer la formation au métier de journalisme sportif. Pour en redorer le blason et redonner de la noblesse à cette spécialité journalistique, certains journalistes préfèrent parler de « journaliste de sport ».

Jacques Marchand, journaliste de sport et président de l’Union syndicale des journalistes sportifs de France (USJSF) fonde dans le cadre du Centre de formation et de perfectionnement au journalisme (CFPJ) et de l’INSEP une formation spécialisée Sport Com’ destinée à favoriser la reconversion de sportifs de haut niveau dans le journalisme[4]. L’enjeu est important pour des sportifs qui cessent leur carrière assez jeunes vers l’âge de 30 ans afin de pouvoir trouver un second métier. Ce centre de formation va ainsi former des personnes comme la judokate Céline Géraud au métier de journaliste sportif.

Illégitimité dissipée

Dans les dernières années, l’Institut Pratique de Journalisme a lancé une option au journalisme de sport. plusieurs écoles de journalisme non reconnues par la profession comme l’ISCPA ou l’Institut Européen de Journalisme se sont aussi spécialisés sur ce créneau de formation de journalisme sportif longtemps un peu laissé à l’écart par les grandes écoles de journalisme.

Or, il semble que l’illégitimité du journalisme de sport se soit de plus en plus dissipée dans les écoles car ces médias spécialisés deviennent des lieux de recrutements pour les sortants d’écoles. En témoigne l’existence de multiples liens entre médias de sport et écoles : par exemple le fait que la rédaction du journal L’Equipe est dirigée par Fabrice Jouhaud, ancien responsable des études du Centre de Formation des Journalistes. Eric Maitrot, longtemps journaliste à l’Equipe a aussi été responsable des études de l’ESJ de Lille. Le passage par une école de journalisme reconnue reste donc une voie d’accès à l’élite du journalisme de sport. Le journal L’Equipe recrute ainsi chaque année en contrats à durée déterminée au moyen de son concours la Page d’or, des jeunes issus d’écoles de journalisme.

 


[1] Pour mémoire, Marianne Mako était une des présentatrices vedettes du magazine Téléfoot sur TF1 dans les années 1990 et elle a été licenciée de la chaine en 1997. Voir par exemple, http://www.liberation.fr/medias/0101216156-marianne-mako-expulsee-du-terrain-tf1-licenciee-l-ex-journaliste-de-telefoot-compte-ecrire-un-livre-sur-le-foot

[2]  Voir Dominique Marchetti et Bertrand Dargelos, « Les professionnels de l’information sportive : entre exigences professionnelles et contraintes économiques », Regards sociologiques, 20, 2000, p. 67-87. http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00326287/fr/

[3] Voir l’analyse de Eric Lagneau, lui-même sociologue et journaliste de sport à l’AFP. Eric Lagneau, « Le style agencier et ses déclinaisons thématiques. L’exemple des journalistes de l’AFP », Réseaux, n°111, 20,p. 57-100.

[4] Pour en savoir plus, lire Jacques Marchand, Journalistes de sport. Militants – institutions- réalisations : rapports avec le mouvement sportif, Biarritz, Atlantica, 2005.

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